Un article de Normand Baillargeon daté du 22 septembre 2016. Un sujet toujours d’actualité!
Le retour de l’eugénisme? – Québec Science
La technique de modification génétique CRISPR/Cas9 ouvre la porte aux ambitions eugénistes.
Extraits :
“Pour aller à l’essentiel, disons que ces programmes comprennent généralement deux volets. D’une part, un eugénisme positif qui encourage les personnes jugées les meilleures (selon telle ou telle acception ou critère) à se reproduire entre elles; d’autre part, un eugénisme négatif qui limite, et même empêche – parfois par stérilisation forcée –, la reproduction des personnes jugées inférieures, parmi lesquelles, bien entendu, celles souffrant de handicaps ou de déficiences de toutes sortes. (…)
Mais le concept pourrait bien s’imposer de nouveau d’ici très peu. C’est par un étrange acronyme qu’il ferait son retour : CRISPR/Cas9 (Voir l’article «Un scalpel génétique tout-puissant»). (…)
Une première préoccupation, cruciale, concerne les inégalités de toutes sortes que pourraient engendrer ces technologies qui risquent bien entendu de n’être accessibles qu’à celle ou celui qui peut se les payer.
Aux grandes inégalités de fait et de chance que représente l’accès aux biens et services que, souvent, seuls les privilégiés peuvent se procurer (comme des écoles privées, des livres, des facilités ou des ressources de toutes sortes), s’ajouterait le fait de naître avec des capacités et des traits avantageux.
On pourra alors être tenté de limiter ou même d’interdire à tous le recours à ces technologies. Mais une telle entrave à la liberté doit être justifiée. On se retrouve alors devant un de ces cas, fréquents, où une valeur (la liberté) entre en opposition avec une autre (l’égalité des chances, disons). Justifier une certaine limitation de la liberté n’est pas impossible, mais pas facile non plus.
Pour y arriver, une piste envisageable est de considérer les effets, sur l’ensemble de la société, du recours à ces technologies par certains de ses membres. Si on arrive à raisonnablement suggérer qu’une technologie menacera la stabilité sociale, la démocratie ou le bien-être de l’ensemble de la population, on sera alors tenté de conclure que certaines restrictions sont justifiables. On rappellera sans doute dans ce contexte que la recherche médicale répond déjà à la « loi du 90/10 » : en raison de la capacité de payer des clients potentiels, cette recherche concentre en effet 90 % de ses activités et produits à des maladies qui n’affectent que 10 % des personnes. Ce que cette manière de faire laisse présager, en ce qui concerne des pratiques d’eugénisme libéral et l’allocation des ressources en recherche médicale, se laisse aisément deviner…”