Vers la société libérée selon André Gorz, philosophe du travail

Vers la société libérée selon André Gorz, philosophe du travail

André Gorz – Vers la société libérée

Interview d’André Gorz par Marie-France Azar pour l’émission ” A voix nue ” sur France Culture en mars 1991. Audio seulement.

Interview d’André Gorz (qui nous a quittés le 22 septembre 2007) par Marie-France Azar pour l’émission « A voix nue » sur France Culture en mars 1991. Audio seulement.
(1 h 18)

Décomposée en 8 parties ici regroupées : 1) Le Pouvoir De La Contestation 2) L’écologie Politique 3) Le Monde Des Experts 4) Culture Et Rentabilité 5) La Crise Du Syndicalisme 6) La Fin Du Travail 7) Ivan Illich 8 ) Emploi Et Travail

Extrait vers 24-28 minutes :
« Nous vivons chacun des dimensions de la réalité de notre monde, nous les vivons en morceaux détachés, et nous sommes nous-mêmes décomposés par cette façon de vivre une réalité que nous ne pouvons appréhender en morceaux détachés. Nous sommes tous schizophrènes, c’est-à-dire que nous passons d’un plan à un autre et nous ne voyons pas la cohérence de ce passage. C’est ça la désorientation profonde de notre civilisation et c’est ça la raison de décomposition d’une culture du quotidien. Toute forme de cohésion sociale, de cohésion d’une civilisation suppose une culture du quotidien, c’est-à-dire un ensemble de vécus et de pensées qui vous permettent de vous sentir chez vous dans ce monde et d’avoir l’impression qu’il y a un certain nombre de certitudes, de normes et de valeurs qui vont de soi. Mais ce n’est plus le cas. Plus rien ne va de soi, comme disait Gérard Mendel, et en plus toutes les formes de connaissances ou d’appréhension des morceaux épars des pièces détachées de notre civilisation sont technicisées, c’est-à-dire sont devenues opaques, imperméables, inintelligibles pour le commun des mortels et appartiennent à des experts. Ce qui fait que vous avez des experts pour tout et n’importe quoi qui continuent à vous déposséder du peu de certitude que vous pouviez à la rigueur dégager de votre expérience vécue. “Moi je suis le spécialiste qui sait comme vous devez élever vos enfants”, “Moi je suis le spécialiste qui sait comment vous devez soigner votre corps”, “Je suis le spécialiste de votre alimentation”, “Ne vous fiez jamais à votre intuition, ne vous fiez jamais à votre goût, faites confiance aux experts, allez les consulter et payez”. Alors nous avons le développement de cette dépossession de chacun de son vécu, de son rapport intuitif au monde par des gens qui vous donnent des certitudes contre-intuitives, comme on les appelle maintenant, et qui vous rendent de plus en plus incapables de vous prendre en charge vous-mêmes.

Il y a des tendances (…) de réduction de la dimension de ce que j’appelle la « méga machine », de la démonter pour passer à des technologies, des techniques et à des modes de production qui soient contrôlables par les producteurs et aussi par les usagers. Tant que les producteurs et les usagers ne peuvent pas avoir le contrôle des produits que l’on lance, ils n’ont pas le choix de ce qu’ils produisent et de ce qu’ils consomment. La solution n’est pas de contrôler les experts, mais de déplacer l’expertise et de susciter des débats, d’abord entre experts car ils ne sont jamais d’accord entre eux, et entre les experts et le public, d’avoir des lieux de confrontation où puissent se débattre publiquement les choix que les uns proposent et les critères de choix que les autres éprouvent. »

« Chaque société devrait entourer chaque enfant des mêmes soins infinis avec lesquels elle prépare aujourd’hui des sous-marins nucléaires ou des fusées »
André Gorz (sous le nom de plume Michel Bosquet), Nouvel Observateur, 8 novembre 1967

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